Puisque tout est interdit
Puisque tout est interdit
on peut tout se permettre
Vladimir Vissotsky
Puisque tout est interdit
Comme du temps de Molière
Ou de la Cinquième République
Psychopathe et rigide la France est
Et a toujours été le pays de l’ordre noir
Du silence morbide de la bourgeoisie
Comme du temps de Monsieur de Molière d’Ariane Mnouchkine
Qui a émerveillé mon enfance
Pour sortir du monde ouvrier payé aux pièces ou à l’ouvrage
Pour une semaine de 40 heures
Du temps où tout était interdit
Mais certainement moins qu’aujourd’hui
Car aujourd’hui dans l’ordre avancé
Tous les partis syndicats et élus crachent le même mot
La même langue de leur bouche identique corrompue
La même partition inique de l’hypocrite médiocrité
Avec pour mots d’ordre
Guerre à la jeunesse à la vie à la beauté
Guerre à la liberté
Et ils disent en cœur de cul de poule offensée
Interdit de parler
Interdit de rire
Interdit de chanter
Interdit de jouir
Interdit de marcher sur les pelouses
Interdit de fumer
Interdit de manger bon et gras
Interdit de muer
Interdit de rouler vite
Interdit de conduire la nuit
Interdit de courir
Interdit de faire du patin à roulettes
Interdit de klaxonner
Interdit de s’embrasser
Interdit de courir après le train
Interdit de ramasser
Interdit de déposer
Interdit d’apprendre par cœur
Interdit de travailler
Interdit d’avoir peur
Interdit d’accueillir à bras ouverts
Interdit d’être amoureux
Interdit de jouer de la musique
Interdit d’écouter du jazz
Interdit de danser à un ou à plusieurs
Interdit de jouer du clairon
Interdit de posséder un coq
De manger du cochon
Interdit de jouer au ballon
Interdit d’accrocher son linge aux fenêtres
Interdit de faire du feu
Interdit de cuir des sardines
Interdit de ne pas dormir la nuit
Interdit de boire du vin des bières
Interdit d’entrer sans cravate
Interdit de se baigner
Interdit de draguer
Interdit de se faire l’amour
Interdit de penser
Interdit de dire la vérité
Interdit d’user de bons mots
Interdit de relever la tête
Interdit de s’opposer
Interdit de défiler
Interdit de n’être pas croyant
Interdit d’être athée
Interdit de se mettre au soleil
Interdit de sauter dans les flaques de pluie
Interdit de pisser dans les glycines
Interdit de ne pas regarder la télé débile
Des chaînes privées et des chaînons publics
Interdit d’entrer
Interdit de boire dans la rue
Interdit de plonger dans l’océan
Interdit de laisser les enfants
Interdit d’être enfin seul
Interdit de sonner après minuit
Interdit de crier à toute heure du jour et de la nuit
Interdit de lire de la poésie
Interdit de ronfler dans le métro puant
Interdit de prendre sa voiture
Interdit de se déplacer gratuitement sur l’autoroute
Interdit de ne pas dépenser son argent
Interdit d’aider son prochain
Interdit d’être solidaire
Interdit de s’amuser dans les bars
D’écouter du banjo du jazz manouche du rock barjot
Du clavecin électrique
Interdit de dénoncer les impostures
Interdit de rire des corrompus
Des possédants ou du directeur du FMI qui gagne 200 000 euros
Par mois m’a-t-on dit le montant est très drôle
Interdit de critiquer les joueurs de football
A plus de 700 000 euros par mois
Interdit de choisir sa vie
Interdit de désirer
De se cultiver
Interdit d’avoir des idées sous peine d’être suspect
Interdit de déranger
Interdit d’être
Interdit de conscription des fois que ça donnerait des idées
Interdit de vivre
Interdit de lire
Interdit d’aimer
Et interdit de rêver
Alors qu’eux
Tartuffes en nombre
Roulent en diesel alors qu’ils prônent le naturel
Font le contraire de leurs idéaux
Ne payent rien repas concerts logement
Avec voiture de maître
Alors qu’eux clament
Faites ce que je dis
Mais ne faites pas ce que je fais
En toute discrétion solitaire
Gang bang sauteries légères
Parties fines
Voyages gratuits putes et cocktails alcoolisés
Alors qu’eux dépensent les deniers de la République
Trahissent à tout bout de champ
Communiquent leur lâcheté ordinaire
Jusqu’à ce que les citoyens imposés électeurs clament haut et fort
Quand naîtront enfin les nouveaux Saint-Just et Robespierre
Quand le tranchant fera trembler la bourgeoisie de verre
Quand des jeunes reprendront le flambeau des espérances
Quand feront-ils enfin vibrer la France
Balaieront toutes les frontières
Casseront les règlements stupides ignorants
Prévalant le danger de la vie
Sur la conservation des égoïsmes bien particuliers
Quand saurons-nous enfin notre vérité
Quand arrêteront-ils de nous prendre pour des enfants
Naïfs et serviles
Quand ne serons-nous plus méprisés
Comme des esclaves ou des jouets parfois utiles
Quand tous ces Tartuffes baisseront-ils la garde
Quand effacerons-nous ces mirages de nos mémoires
Car les Tartuffes ennoblis veulent tout interdire
Le tabac la voiture
La java du samedi soir
Les pains au beurre
La viande rouge
Le bon et le mauvais cholestérol
Les gâteaux à la crème
Les petits câlins
Les gros n’en parlons pas
La cigarette des premières boums
Le petit blanc sec des after
Et le café à toute heure
Ils veulent interdire
Les rassemblements de jeunes
Les fêtes dans la rue
Sauf les pride communautaristes réservées
Où on peut baiser se promener à poil même devant les maternelles
Ils disent toujours que
Sans gêne y a pas de plaisir
Mais ils distribuent les leurres
Des pincées de sable lourd sur les yeux
Car ils mentent comme ils respirent
Car ils trahiront toujours après leur victoire électorale
Et leur nom ne pèse pas bien lourd
Car l’histoire ne retiendra rien d’eux
Puisque tout est interdit
La seule et unique liberté qui nous reste
Est la liberté des mots
Tendres durs immoraux manifestes
La seule liberté est celle d’écrire de lire
La liberté de défaire les lois iniques
Car il faut renverser le cours des choses
Détruire l’ordre mafieux pourri
Le déshonneur de la République
Car seule la démocratie directe est juste
Et le crier n’est que justice
Puisque aujourd’hui tout est interdit
Que c’en est pire que sous Leonid Brejnev
Ou Louis le quatorzième Louis Seize étant un petit joueur
Car la censure économique est des plus abjectes
Qui détruit pire que l’oppression policière
L’édifice de papier doit être soufflé
Et que soit définitivement nettoyée la posture de l’imposture
La posture des imposteurs
Pour que vibre enfin le souffle de la jeunesse
Celui de la liberté
Car nous sommes redevenus des enfants
Qu’il faut protéger à tout prix
Contre nous-mêmes d’abord
Dans cette servitude nouvelle des autocenseurs
1984 gît à nos pieds
En n’étant plus libre
Nous n’aurions plus peur
Piètres aliénés infantilisés
Piètres démocrates affaiblis
Dévorés par les monstres qui stagnent en son sein
C’était là mon épigramme assassine
Dont les mots n’ont de trace ni de sang sur les mains
C’était là une épigramme pour la seule révolte
Pour le souffle de la jeunesse et sa liberté
Une épigramme de vérité