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7 juin 2012 4 07 /06 /juin /2012 18:40

Moi-je

 

à Françoise Lalot

 

« une étoile dans la neige

et au ciel venant du tas de neige

une étoile ! »

Aïgui, Festivités d’hiver

 

Je vis dans les marges, au large de la phrase.

Je vis comme seuls savent vivre ceux qui sont traversés par la nuit.

Je vis en autodidacte, irréprochable, dans l’ombre de quelques maîtres cependant.

Certains sont morts, d’autres sont vivants.

Je vis pour apprendre, et l’écriture naturellement m’est venue.

 

Je vis pour respirer l’air frais du petit matin.

Je vis sans faire d’histoire, parmi tant d’autres, de la tombée du jour jusqu’à l’aube.

Je vis et je ris dans la nuit, mais aucune voix n’a jamais su dire pourquoi.

Je vis dans l’intensité du désir et du poème.

Je vis en gardant le cœur nu.

Vivre est ma plus haute récompense.

 

Je vis entre les haies dans l’herbe coupée.

Je vis dans l’exubérance de l’été.

Je vis et j’habite le monde en poète parce que la poésie ne meurt jamais.

Je vis avec ceux que la mort fait luire.

 

Je vis et je répands la neige autour de moi, ou sur les pages tendues vers la nuit de mon livre béant.

Je vis et je peins le glissement detout ce qui est en nous.

Je vis là-bas, au loin, pour dire encore la maison dont je fus dès l’enfance séparé.

Je vis portes et fenêtres ouvertes, je vis table, chaises, tapis et même chemins sous la pluie.

 

Je vis dans les arbres par une nuit d’inachèvement.

Je vis aussi dans la France de l’An II où j’ai déjà risqué plusieurs fois la guillotine.

Je vis d’une voix ferme et profonde.

Je vis et je croise des milliers d’intrigants.

 

Je vis en subissant, de plein fouet, tous les outrages faits à la nature, à la vertu et à la raison.

Je vis l’espoir que nourrit toute transformation radicale de la condition humaine.

Je vis avec une simple idée en tête.

Celle d’une plus grande visée accessible à l’espèce humaine.

 

Je vis pour ne plus croire aux mensonges.

Haut dans le ciel maintenant le soleil brille.

Les fleurs des champs me brûlent le regard et je ne veux plus m’arracher à leur contemplation.

J’arrête tout soudain pour fumer unecigarette.

 

[Saint-Fons,le 24 septembre 2009 ;

Saint-Julien-Molin-Molette,le 2 juin 2012]

 

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5 juin 2012 2 05 /06 /juin /2012 18:31

Des femmes à Caen les corps drus se désenclavent

un bourgeonnement vertigineux à deux pas

de la maison où naquit Malherbe et je hâve

tente de me régénérer à ces appâts

 


qu'il aurait dit le bougre qu'était pas esclave

des balcons profonds que je couche sur les pa-

ges de ce sans aveu livre que rien ne lave

pas même la perspective de mon trépas

 


j'en vois des rebondies montées sur des échasses

ces talons crève-cœurqui dégagent le train

arrière qu'on dirait autre paire de châsses

pour sûr ça finira par dénouer mes reins

 


passe un type mouvant sa roulante machine

et moi qui vais pleurant sur Françoise ou Machine

 

Laurent FOURCAUT

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12 avril 2012 4 12 /04 /avril /2012 18:35

Un pur crétin se branle esgourde à son mobile  

car c’est ça un gros con s’envoie un match de foot  

sur un mini-écran et ça le rend débile  

conchions le footbal jusqu’à ce qu’il nous fout- 

 

e une incroyable paix la drogue la plus vile

id est opium du peuple tient lieu de birout-

e aux mecs émasculés d’une façon civile

par le grand capital enfumés par ses prouts

 

un ramassis de pauvres gars gavés d’oseille

fait bicher hystérique une flopée de ploucs

qui prennent cause et fait pour Trouvile ou Marseille

tandis qu’ils se font mettre en lousdé par le bouc

 

toujours le même orgasme minable quand le

ballon entre en les buts d’un air miraculeux

 

 

 

Laurent Fourcaut, auteur de En attendant la fin du moi, éd. Bérénice 2010

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7 avril 2012 6 07 /04 /avril /2012 14:02

Tableau réaliste

 

 

Fondu dans le réel au sombre

les mémoires à leur équinoxe

ombres portées des souvenirs

sauvegardés par leur nombre

 

Figés au sol d’un solstice léger

des annales secrètes et noires

balbutient fuyant le jour et

cachent les mystères du chiffre d’or

 

Nulle fantaisie ici à déclamer

aucune distance dans la recherche

les jours comme les nuits désolés

à pas de loup à pas de chat avancent

 

 

Janvier 2008-janvier 2010

 

 

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21 mars 2012 3 21 /03 /mars /2012 18:25

Enchanteur et cruel ces courbes assassines  

trop il y en a trop qui parlent du rapport 

divin entre les filles dont le corps dessine

l'image à l'œuf sacré et cet œuf où la mort

 

couve un regain de vie quel sorcier que le corps

de ces femmes ingénues nues notre racine

s'enracine au trou qui conduit au zéro port

là-bas loin d'aucun centre non lieu que Racine

 

appela Césarée or elles viennent vont

un terrible fort-da qui répare macache

du trou que fait dans mon œil câlin trou sans fond

ce cul merveilleux l'encre sympa qu'il vous crache

 

à la figure aveugle il vous reste à ramper

après lui et son suint le futal salopé

 

 

de Laurent Fourcaut :

 

En attendant la fin du moi, éditions Bérénice, 2011.

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7 février 2012 2 07 /02 /février /2012 18:27

Mémé Gobet 

Elle était un peu dingue

Mémé

Névroses hallucinatoires

Avaient dit les docteurs

Elle entendait des voix

Avec qui tous les jours

Elle tenait de longues conversations

Alors quand çà lui prenait à mémé

Elle s’enfermait dans la cuisine

Et comme elle m’aimait bien

Elle me faisait entrer

De ce halot fantomatique

Effrayant et fascinant

Emergeaient les sifflements de son appareil auditif

Car en plus d’être dingue elle était sourde comme un pot

Ma mémé Gobet

Qui prenait au tabac de la Pyramide son billet de la loterie nationale

Avec l’espoir de nous offrir de la viande rouge tous les jours

Mémé sans le sou

La clope au bec

Qui  nous ramenait du marché des Minguettes des pochettes surprises

Et c’était noël le samedi matin

Une fois par mois

Dans cette enfance

Où l’on se cachait si bien

L’amour qu’on se portait

 

Claude GOBET, 7 février 2012

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1 février 2012 3 01 /02 /février /2012 19:13

 

Quand tu partiras

Me dis-je

N’oublie pas racines

Et feuilles

Le tronc fébrile

Cassé par la dernière

Tempête calcine

Et cueille les derniers

Fruits de la bouche

Sur vos bouches vivantes

Ma fortune mes filles

Ce que je ne serai

Tantôt pas

 

 

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2 décembre 2011 5 02 /12 /décembre /2011 21:46
Maman

 


Maman   

Ne parlait pas 

Ou si peu

Il faut dire

Qu’elle avait dû

Dès l’enfance

Ravaler sa langue

Pour s’intégrer

A ses petits copains de classe

Si bien que c’est à l’école

Que j’appris l’espagnol

Maman ne parlait pas

Mais elle chantait

Tino Rossi et Charles Trenet

Et le Besame mucho

Les jours de grand soleil

Elle communiait aussi

Mais pas à l’église

En cachette

Derrière son journal

Avec ses fantômes

C’est ainsi qu’un jour mon grand frère apprit

En feuilletant le livret de famille

Qu’elle avait eu une autre vie avant nous

Ce fût alors le début de ma carrière de romancier

Je lui inventais des aventures amoureuses

Des châteaux en Espagne

Et toutes sortes de fabuleux voyages

Maman ne parlait pas

Mais elle savait dire

Autrement

Par son regard

Et ses gestes attentionnés

Tout l’amour qu’elle portait aux siens

Son mari

Ses enfants

Sa famille

Et tout ceux dont elle avait croisé le chemin

Et pour qui elle avait une pensée

Maman

Ma silencieuse

Ma délicieuse

Maman

Petit poucet rêveur

Qui revenait de chacune de ses promenades

Avec dans ses poches

Pierres et cailloux

Qu’elle conservait reliques du temps qui passe

Je ne voulais pas qu’elle parte si vite

Maman

J’ai même pensé la sortir de ce mauvais pas

 Par la seule force de mon esprit

Quand la maladie lui est tombée dessus

Mais on ne retient pas les gens qu’on aime

Et au mois de mai deux mille sept

Après avoir dit au revoir à ses proches

Elle s’en est allée

Au moment de quitter la terre des hommes

Par politesse

Elle prit soin de m’envoyer un signe

Pour me dire adieu

Juste avant la sonnerie du téléphone


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26 novembre 2011 6 26 /11 /novembre /2011 15:59

Boire

 

J’ai bu

Comme un trou

Sans fond

Un siphon

Inlassablement

Minablement

Pour noyer le poisson

Dans le fond du canon

De la pire des vinasses

A la pire des vinasses

J’ai bu sans rien voir

Le passage des saisons

J’ai bu comme un con

Bu comme on oublie

Ses plus belles promesses

J’ai bu dans la détresse

Bu comme j’ai vécu

Tout seul même à deux

J’ai bu pour deux

Bu pour la vie

Bu jusqu’à la lie

Au robinet des mauvais jours

Le vinaigre gris

Obstinément

A en mourir

J’ai bu sans frémir

Si l’alcool a ses fins

La solitude a ses moyens

 

Claude GOBET

 


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16 novembre 2011 3 16 /11 /novembre /2011 18:26

Claude Gobet nous livre aujourd'hui un poème fort, puissant, aux résonances universelles. Il nous dit qui il est et, par ce biais, nous touche.

 

JMP

Une place pour deux


Par amour

Mes parents m’ont donné le prénom d’un mort

Qu’évidemment je n’ai pas connu

Et pendant quarante-huit ans ce mort

A joué à cache-cache à mon insu

Me faisant prendre des vessies pour des lanternes

Et déclenchant toutes sortes de maladies

Plus ou moins imaginaires

Ce n’était qu’une mauvaise idée

Rien de plus

Aussi grosse que le nez au milieu de la figure

Et dont il aurait fallu se débarrasser

Comme de sa dernière chaussette

Mais voilà c’était un don et un secret bien gardé

Et puis il était installé depuis si longtemps le mort

Je n’allais pas mettre à la porte

Mon pépé musicien

Alors à la longue nous avons appris à cohabiter,

Et finalement à nous aimer

Pour ne faire qu'un

 

Claude GOBET

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