Pour vous mes concitoyens qui aurez un jour le bonheur intense de me lire
Je vous accorde mes pensées qui valent désormais mieux que tout projet
Il fut un temps où nous étions le nombre à réinventer la vie du moins
C’est ce qu’ils nous ont fait croire deux ou trois décennies durant c’est fou
Comme nous apprenions et comprenions assez peu vite les signes de réalité
Mais nous étions jeunes ce fut là la moindre des infortunes à bégayer gaiement
Et bruyamment ce qu’on nous disait en hauts lieux sur tous les tons et les
Couleurs nous étions et faisions partie du monde et nous ne le savions pas
Pas vraiment car nous nous sentions des imposteurs sensibles de jouer un jeu
Dont nous ne possédions pas les règles la guerre des classes menait son plein
Mais aujourd’hui que les lignes sont poreuses et que tous les masques se sont levés
Ceux de la médiocrité de l’affairisme ou des ambitions avortées du gagner puis
Conserver le pouvoir comme une boite de conserve qui un jour explose et se désagrège
Sous les effets d’un soleil trompé nous voilà réduit désormais à l’échelle de notre ombre
Et le futur maudit devra disparaître pour vivre enfin le temps présent cadeau du ciel et de la terre
Un cadeau splendide depuis le début de l’humanité inégalé dans sa puissance et sa réalité
Mais empoisonné par la survivance des plus anciens rites transformés en lois liberticides
Mon monde aujourd’hui m’appartient
Et les terres de mon pays que j’ai franchies aussi diverses dans ses plaines ses montagnes ou ses collines
Ses reliefs méditerranéens ou sa violence océanique
Partout oui partout je me suis senti chez moi
Pour déguster les fromages par centaines et les vins
Qui ont construit la poésie de ma vérité
Et si je n’ai pas encore franchi le Gers ou le Lot
J’ai passé tous mes hivers et les étés dans les chemins les plus durs et les plus doux
Toujours surprenants par leurs couleurs et leur beauté
Impossible de nommer cantons et villages villes et campagnes cours d’eau forêts
Monts et crêts montagnes célébrées dans la naissance des origines
Mon pays est la France et je garde au cœur l’économie de l’espérance
Qui dut parcourir la foi de cinquante générations et la force d’autant
Pour construire un pays il faut du courage et de la volonté
Le métier est un art et les poètes un temps des alliés ont été convaincus
De leur ignorance
Mais la technique et les techniciens ont abrutisé ce pays qui n’en est plus un
Dont la culture a été jetée aux chiens ou aux orties
La langue dépecée à coups d’anglicismes anglo-américains
La fine fleur de son industrie a été nettoyée équarrie sous le profit mondial
Et l’argent mène par le bout du nez des élites décadentes et meurtries
Aux projets vides de sens et de poésie
Car eux ils sont que par ce qu’ils ont
Ils n’ont rien donné mais ont tout pris
L’avenir appartient donc aux justes qui renverseront le désordre établi
Et la prochaine révolution sera absolue et déterminée
N’aura aucune pitié
Nous abolirons les privilèges et le salariat
Nous ouvrirons les frontières aux hommes de bonne volonté
Nous massacrerons les traîtres les mafias et supprimerons l’armée
Seuls les meilleurs auront le pouvoir pour un temps un mois ou une journée
Les autres vivront leur vie leur destinée en sachant ce qu’il faut pour dessiner un arbre
Faire un poème ou une chanson ou construire une table en chêne un chalet ou un bateau
Et si je vous vois sourire c’est que vous rêvez éveillé et c’est que vous êtes
Redevenus un peu plus libre l’espace des trois minutes qu’il vous aura fallu
Pour lire et rêver
Pour rêver d’être libre et libéré
Saint Julien Molin – Molette, Paris,
août 2009