ANAMNESES, éditions du Mont Popey, 100 p.,
Novembre 2018, 14 euros (port inclus)
Préface d'Albert Guignard,
Postface de Francis Vladimir,
Tableau de couverture et eaux fortes intérieures de Nadejda Pastoukhova
Préface
JEAN-MICHEL PLATIER : UNE POESIE AU FORCEPS
Apprends-nous à nous guérir,
à nous guérir les uns les autres
et à guérir le monde.
Commençons aujourd’hui même,
maintenant,
la Grande Guérison à venir.
Leonard Peltier, La prière
Anamnèses est à entendre pleinement dans ses trois définitions.
1) Ensemble des renseignements fournis au médecin par le malade ou par son entourage sur l'histoire d'une maladie ou les circonstances qui l'ont précédée.
2) Philosophie du retour à l’origine.
3) Prière de la messe qui suit la consécration.
En homme d’automne, appréhendant le verdict de l’hiver, Anamnèses résonne en cri soudain adressé à soi-même : « ASSEZ ! »
Le cri de l’adulte surmené qui tente de se ressourcer au cri premier du nouveau-né qu’on a sorti au forceps pour l’obliger à naître un 19 janvier 1964.
Et plus loin encore, jusqu’aux eaux amniotiques d’avant son propre déluge originel.
Le voyage mémoriel se fait par étapes datées ; à l’initiation du poème…
Car poète, Jean-Michel Platier l’est, de par son enfance et sa jeunesse passées dans la campagne du haut-Jura dont l’esprit du lieu l’habite à jamais.
Il l’est de par la mémoire de ses ancêtres paysans, guérisseurs ; des ancêtres capables de lever le feu à distance.
En chaman des mots, le poète lui peut guérir la brulure d’exister ; au-delà de notre espace-temps.
Quand,
Mourir n’est pas nouveau dans cette vie
Mais vivre, assurément, n’est pas plus neuf[1]
ou que,
Déserter la vie n’est pas très difficile.
Commander la vie demande plus d’effort[2].
Il lui suffit alors à son tour d’imposer quelques mots sur ceux de deux poètes russes, comme on retire la corde au cou, de l’un, et l’on retient la main portant un révolver au cœur, du second. Car,
Survivre
n’est certes
pas si nouveau
mais vivre
vivre
avec plaisir
l’est d’autant.
Aussi qu’Anamnèses consacre en ce sens Jean-Michel et son lecteur avec.
Albert Guignard
Postface
La poésie, éperon, espérance, épreuve de la vie, avec ces mots d’Andrée Chedid on aborde à la poésie.
Dans son recueil Anamnèses, Jean-Michel Platier semble brouiller les cartes. Pourtant, derrière les dates récurrentes qui nous font avancer dans son texte, imperceptiblement se dévoilent par des mots rêches des pans entiers de sa poésie. L’étrangeté des souvenirs esquissés, les rumeurs d’une vie d’homme, la marge du temps, la morne habitude du quotidien, l’attente interminable sans choix ni couronne, la croyance absolue en l’enfant c'est-à-dire à la rédemption que Jean-Michel Platier appelle de tous ses maux de poète, conduisent le monde tel qu’il est, tel qu’on le vit aujourd’hui, à sa perte, à moins de le reconstruire avec obstination, patience et amour.
Tentative sans cesse réitérée que celle du poète qui triture le réel des mots, les détourne du sens premier, pour ouvrir une autre voie possible, d’autres territoires à sa vie et à la nôtre.
Ce sont ces essais, remaniements, reprises, ratures, ces destructions peut-être, toujours empruntés à André Chedid, qui caractérisent Anamnèses.
Et voici que la noirceur apparente, flux désemparé des mots qui essaye de rendre compte du destin, voici qu’elle s’éclaire et qu’un élan vital nous cueille à son tour pour exalter la vie.
Francis Vladimir, le 24 janvier 2017