Chant pour un juste…

Il est des livres dont les mots n’en finissent pas de hanter le lecteur. Des livres au-delà de ce qu’il est convenu d’appeler « littérature », qui narrent tout simplement – sans fioritures excessives ni sentimentalismes larmoyants – de terribles itinéraires… Comme celui d’Ibni Oumar Mahamat Saleh, opposant Tchadien « disparu » le 3 février 2008, enlevé par les hommes du président Déby, toujours au pouvoir. De tels livres sont souvent le fruit d’une rencontre, et « Que vaut la vie d’un homme ? » de Chantal Portillo en est une belle illustration : jeune femme, elle a croisé Ibni plusieurs fois, et a été frappé par son charisme. Sans bien avoir conscience de ce qu’impliquait son engagement politique, écrit-elle. Un engagement durable qui mène Ibni des rangs de la lutte armée à la non-violence et à la recherche de compromis pouvant ramener paix et démocratie au Tchad. Et lorsqu’elle apprend sa disparition, elle éprouve ce besoin urgent de lui rendre un hommage qui ne soit ni une biographie, ni un brûlot. Plutôt une irruption de la tragédie dans le champ du politique, une longue mélopée qui n’est pas sans rappeler la musique africaine, un chant pour un juste et, peut-être, un réconfort pour sa famille qui réclame en vain son corps. « Il y a toujours quelque chose d’absent qui me tourmente » disait Camille Claudel… Cette phrase prend ici toute sa valeur tant la disparition d’un humaniste acquiert une dimension universelle.

Chantal Portillo

Que vaut la vie d’un homme ?

Ed. La Passe du Vent

158 p. – 13 E.