La traque d’Echallon
« Il y a dans ce monde nouveau tant de gens
Pour qui plus jamais ne sera naturelle la douceur
Il y a dans ce monde ancien tant et tant de gens
Pour qui toute douceur est désormais étrange
Il y a dans ce monde ancien et nouveau tant de gens
Que leurs propres enfants ne pourront pas comprendre
Oh vous qui passez
Ne réveillez pas cette nuit les dormeurs »
Louis Aragon - Chanson pour oublier Dachau
in Le nouveau Crève-coeur
I
Il pleuvait. Une pluie violente secouait des sapins les restes des brouillards d’hiver. Une brume en dentelles harcelait et enveloppait leurs branches rendant la forêt encore plus sinistre. Il pleuvait toujours. Il pleuvait depuis tant de jours. Depuis le moment où les journées se sont allongées, petit à petit, chaque seconde gagnée sur l’interminable hiver ; pour finalement retarder la première heure de la nuit conquise, jusqu’au 15 août prochain, dans six mois, en attendant le lent retour de l’ombre sur les crépuscules rougeâtres des fins d’été. L’on se dit parfois que la nature, qui a horreur du vide, est une étrange métaphore de la vie des hommes.
Pour l’heure, les jours pluvieux grandissent dans une atmosphère de déluge et de débordement des torrents qu’il est difficile de se rappeler la lumière du soleil. L’hiver fut long et ennuyeux, comme l’inaction qui avait pesé de tout son poids sur des hommes en hibernation, assommés de jeux de cartes stupides et de mauvais vin, qui chauds, font souvent d’excellents somnifères.
Avec le printemps et les beaux jours en perspective, la chasse allait bientôt recommencer. Les opérations, les sabotages, les marches pour aller au ravitaillement et améliorer l’ordinaire en manœuvrant les stens sous les yeux de paysans convertis sur-le-champ à la bonne cause ; et les missions punitives afin d’éradiquer les traîtres et d’empêcher que la propagation du virus de la délation ne se développe chez ceux qui ne demandent qu’à être tentés ou qui admettent tous les pouvoirs, l’ordre nouveau sans oser dire non.
Ce jour-là, ce fut un vrai déluge, annonciateur de la fin des giboulées printanières. Le mur d’eau annonce cette fois-ci la fin de l’hiver. Derrière le voile gris des nuages se profile enfin la vague des couleurs bleues. Il ne manque plus que l’astre rouge pour dessiner à l’horizon le fier drapeau du Front national et républicain.
L’homme, assis sous les sapins à son poste d’observation, une sten sur les genoux, aime ces changements instantanés du ciel et l’annonce de jours meilleurs. En d’autres temps, en d’autres lieux peut-être, il aurait pu admirer à loisir les mutations rebelles des saisons et les martèlements des corps qui sommeillaient depuis de trop longs mois, rompant ainsi bruyamment la monotonie hivernale ; il lui semble que ce mouvement sera irréversible, pour toujours.
II
Une neige mêlée d’eau s’écoule doucement des épines de sapin en gouttes froides qui ont fini par tremper l’homme ; il courre depuis un bon moment déjà dans les bois ; il saute les fougères en évitant les plaques de neige encore verglacées et les failles devinées dans le rocher calcaire couvert de feuilles mortes. C’est là les derniers vestiges d’une ère sauvage révolue ; la montagne usée à coups de millénaires et les forêts imprenables ont dû succéder à des pics vertigineux devenus vieux de plusieurs millions d’années.
Il court et il s’en veut. De s’être endormi ; enfin assoupi. Il n’a entendu que bien trop tard le convoi approcher. Et immédiatement la fuite après avoir abattu, à trente mètres à peine, l’ombre qui décrochait son fusil de l’épaule, tout aussi surpris de se découvrir mutuellement ;. Son instinct d’animal terré depuis ces longs mois l’avait sauvé. A temps ! Il se dit au moins que les autres ont dû entendre la rafale. Il a rempli sa mission ; il les a sauvés.
En courant, il s’imagine fuir au travers de torrents de lave et d’animaux géants, qu’il a tant de fois vus au Muséum d’histoire naturelle du Jardin des Plantes, à Paris. Mais cela remonte à si loin qu’il se souvient à peine des salles et du parquet poussiéreux. Il se dit, finalement, que cette époque ressemble étrangement à ces tableaux imaginaires et lointains et que la barbarie savamment orchestrée avec le mépris affiché de l’existence humaine est devenue la règle d’or de ces années de larmes et de sang.
Dès les premiers mètres, la course lui a brûlé les poumons et la gorge. Sa bouche est étonnamment sèche et il ressent l’amer goût du sang de ceux qui n’ont que peu d’entraînement. Mais il a rapidement trouvé son rythme. Et son corps s’est habitué à l’effort, tout comme depuis deux ans déjà, il s’est habitué aux privations, aux nuits blanches, à la peur qui sans cesse serre au ventre, aux assassinats aussi, aux embuscades et leur simulacre de jeux de guerre enfantins où il faut être absolument le gagnant, aux nuits passées seul par terre, généralement dans des caves à charbon ou des greniers glacés, avec pour compagnon d’infortune, le plus souvent des étrangers qui, comme lui, n’ont plus rien à perdre. Puisqu’ils ont tout perdu. Puisqu’on lui a tout pris.
Il faut tenir car la course dure déjà depuis un bon moment, les foulées succédant aux enjambées dans un rythme saccadé, proche parfois de la lenteur, tant cette allure paraît naturelle au fugitif qui pénètre plus avant dans les sous-bois, veillant à maintenir une direction la plus droite possible, pour ne pas perdre du temps, et surveillant à la fois le relief pour ne pas se faire piéger par une combe ou un obstacle naturel infranchissable, des buissons touffus, dont le détournement peut favoriser l’approche des poursuivants. Il court contre les éléments, contre les autres qui n’attendent que de l’avoir dans leur mire, et contre lui-même, maugréant, soufflant, rageant de sa bêtise, placé soudain sur le fil du rasoir, par malchance ; destin tragique d’un gibier promis à la potence, partenaire involontaire d’un combat anonyme, déloyal, et absurde se dit-il : courir comme un forcené au travers d’une forêt de sapins énigmatiques. Il y a très longtemps que les bûcherons n’ont pas fait de coupes pour éclaircir les bois.
Il se dit soudain que s’il arrivait à se perdre, il arriverait éventuellement à perdre ses assaillants... Cela le fait sourire, cette vague d’espérance, à la pensée qu’il suffirait d’un rien pour qu’il redevienne chasseur. Il se souvient que, d’habitude, dans cette situation, il ne fait pas de quartier.
Son souffle se régule. Son rythme cardiaque devient plus harmonieux. Il n’a plus peur. Enfin, il a moins peur ; l’angoisse de la mauvaise surprise se fait moins ressentir. Les mètres avalés le rassurent. Il se dit qu’il sera un autre homme après ce réveil cauchemardesque. C’est alors qu’en lui, au plus profond de son être, s’inscrivent les vers d’Aragon :
Là où je meurs
renaît la patrie
Son souffle, une vapeur dense le poursuit, au fur et à mesure des mètres franchis par sa course qui suit les cadences de sa respiration. Il craint que ce souffle ne permette de le repérer et que ses poursuivants n'aient qu'à suivre ces traces évanescentes pour enfin le cueillir. Cette pensée enfantine le fait sourire. Quand il était petit, il était persuadé que personne ne pouvait jamais s'échapper dans ces pays neigeux, où les traces menaçantes du passant sont irrémédiablement inscrites dans le sol, avant qu'une nouvelle neige fraîche vienne tout recouvrir.
A la pensée de ce lointain souvenir, il grimace ; on lui a toujours dit que dès que la vie toute entière, la petite enfance, l'adolescence, ces domaines conquis apparemment à jamais par l'oubli, se remémorent, cela signifie généralement une fâcheuse issue. Il se retourne alors brusquement, bien qu'il s'était promis de ne pas perdre du terrain à regarder constamment derrière lui. Il ne fait pas attention à ses assaillants, mais il remarque que la buée de sa respiration s'évanouit au bout de quelques instants dans cette course contre lui-même. Avec les gouttelettes qui s'écrasent sur son visage, il est obligé de fermer les yeux, ne sachant si c'était l'eau ou la sueur qui est la cause de ses désagréments.
C'est à ce moment qu'il chute lourdement, sa godasse prise dans une souche de sapin émergeant à peine de terre. Il se relève instinctivement, mais une atroce douleur à la cheville droite lui donne immédiatement la nausée. Il serre les dents jusqu'à se faire mal. Et il reprend sa course, avec cette douleur à l'âme et celle intolérable à la cheville. Il se sent alors perdu, pour la première fois depuis ces longs mois de combat.
III
Il pense à sa chance qui ne l'avait jamais quitté jusqu’ici, même lors des moments cruciaux. Dans sa marche rapide, les cris des autres se rapprochent soudain. Il est maintenant plus attentif aux anfractuosités du sol mais il sait qu'il perd peu à peu l'avance qu'il a acquise depuis le départ de l'embuscade. Parfois des branches craquent devant lui, à deux mètres environ au-dessus de sa tête, et s'effondrent dans un fracas de copeaux, d'éclats orangés et d'épines. Il réussit à éviter ces chutes, et il se voûte afin de ne pas être touché par la prochaine rafale.
Il ne veut pas être pris. Malgré la trahison certaine qui ouvre cette sombre journée, sa fuite était programmée depuis longtemps. Il n’a pas pris le chemin des braconniers. Il a coupé immédiatement à travers les bois. Il connaît trop l'endroit pour y avoir déjà passer un hiver et deux étés. Il connaît les caches d'armes et de munitions. Il sait où se trouve la caisse de pharmacie, et qui ne sert finalement que pour ceux qui se trouvent en instance du grand voyage. Les blessés n'ont généralement guère l'espoir de s'en sortir. Les gars, avant les opérations, mangent et boivent, pour se donner du courage, un peu plus que leurs maigres rations habituelles, pour mourir au moins le ventre plein. Et l’alcool annihile les dernières craintes de ne pas revenir du combat. Lors de l'attaque du seul convoi militaire qui avait traversé la montagne, un autre parisien, qui avait fait la guerre d'Espagne, lui avait dit le contraire. Trop bouffer et picoler rend le sang fluide et en cas de blessure grave, le blessé n'a aucune chance de s'en sortir. L'expérience du survivant de Guadalajara le convainquit ; et le jour où il reçut une balle de mitrailleur dans le ventre, il survécut, l'estomac vide ; les trois autres blessés moururent, dans les jours qui suivirent, de leurs sales blessures infectées.
La forêt est profonde, et jusqu'à environ deux cents mètres plus au nord, il sait que sa course prolonge la route des bûcherons. Ensuite, il n'a plus qu'à franchir un dernier kilomètre pour définitivement disparaître sous les sapins noirs. Il entend derrière lui le bruit des moteurs ; une ou deux motos, une voiture et un camion. Il tente d'accélérer l'allure. Il ne sent plus son pied. Il s'arrête derrière un roc, ramasse de la neige qu'il applique sur sa cheville enflée. Il compte jusqu'à dix, puis repart. Il marmonne quelques mots et prie pour qu'il ne soit pas tombé dans un piège.
Il s'imagine un moment dans la peau des assaillants. En uniforme, une mitraillette dans les mains. Invincible, tout puissant. Personne ne pouvant le vaincre. Il a souvent pensé à l'invulnérabilité que donne une arme. Il se voit à la place des chasseurs, quand le but est d'attraper le fuyard et de le descendre. A leur place, il sait qu'il ferait tout pour atteindre l'ennemi pourchassé ; et dire qu'ils fêteraient ensuite, le soir, devant une bouteille, le tableau de chasse et le massacre de la journée.
Il se dit que le hasard, en quelque sorte, l'a conduit à cette situation dont finalement dépend sa vie. Il aurait pu se trouver dans l'autre camp. Il a hésité, lorsqu’il a rejoint le maquis, et qu'il a dû obéir à des ordres parfois incohérents, voire absurdes. Certains de ses amis étaient morts, à cause de décisions ou d'absence de décision. Il avait maudit des petits chefs, imposés par une direction régionale trop souvent absente. A la réflexion, il aurait pu rejoindre le camp adverse. puisqu’il fallait choisir son camp. Il valait mieux cela que d’attendre que les mauvais jours passent. Et puis la lassitude et la fatigue avaient annihilé toutes ses résistances. Il ne veut plus réfléchir. Puisque la souffrance est son lot quotidien, s'en priver revient quelque part à mettre en cause sa vie, ses choix, ses illusions et peut-être ses doutes.
Depuis très longtemps, il est vaincu. La vie l’a vaincu. Les gens, les circonstances et la lâcheté humaine ont fait le reste.
Une peur soudaine et inexpliquée lui tient au ventre. Il redoute que sa vieille blessure ne lui joue une mauvaise surprise. Il serre les dents le plus fort qu'il peut. Pourtant, il ne se voit pas du tout en train de baisser le pantalon, là, sur-le-champ. Il continue à avancer, à vive allure. Il lui faut juste atteindre la lisière de la forêt ; mais avant, traverser une clairière, franchir une colline, puis de nouveau un champ. Et les bois, tout au fond, qui l'absorberont. Il veut soudain se fondre aux branches, à la mousse et à l'humus. Les autres ne pourront jamais le rattraper.
IV
Mais il sait qu'il lui faudra faire vite. Franchir le dernier champ à découvert. Courir pendant quelques centaines de mètres, sans s'arrêter, ni se retourner. D'une traite. Il n'y a pas d'autre issue. C’est sa dernière chance. Car la route s'arrête soudain au bord de la clairière. Avant l'abîme des arbres. L'inconnu pour cet ennemi tenace qui le veut à son tableau de chasse.
Il se prépare déjà, en imaginant les enjambées qu'il lui reste à faire, en raccourcissant la foulée, lorsqu'il montera la colline. Il s'interdit de penser à sa cheville, à la douleur lancinante qui lui fracasse le cerveau. Il pense à l'accélération de la descente qui va l'aider. Il se met à redouter que le sol ne soit gorgé d'eau. Mais si c’est le cas, les véhicules ne pourront assurément plus le suivre. Il abandonnera là ses poursuivants et videra son chargeur sur eux, faisant mouche à chaque fois, comme à la foire, ou dans les derniers westerns qu'il a vus à Paris, il y a bien longtemps. Une éternité.
Il se retourne une seconde fois, au moment même où une rafale l’atteint et le précipite violemment à terre. Il se sait touché mais se relève immédiatement et repart, plus vite, tout droit. Ce qui avait traversé son esprit s’est finalement produit. Si des fantassins l'avaient suivi à pied, pour ne pas risquer de perdre sa trace, le camion l’a suivi par la route en longeant la forêt, avançant péniblement sur le chemin enneigé et verglacé. Son allure lui a toutefois permis de le rattraper, puisque le mitrailleur l’a mis en joue, avant qu'il ne soit définitivement protégé par la forêt.
Des cris le tirent de sa torpeur. Les hommes à pied avancent en tirailleur. S'il était encore hors d'atteinte il y a quelques instants, ils tirent maintenant dans sa direction. Une dizaine de types sautent aussi du camion et se déploient.
Il se voit soudain impuissant ; comme d'habitude, il a perdu cette partie d'échec, lui qui à chaque fois se faisait avoir, même par les novices...
Pour se couvrir, il sort une grenade, la dégoupille et la jette de toutes ses forces. Il voit plonger à terre ses assaillants les plus proches. Les quelques secondes gagnées lui permettent d'avancer encore et encore. L'explosion le rassure sur la fiabilité du matériel anglais. Puis une très longue rafale le poursuit jusqu'à l'orée du bois.
A bout de souffle. Il se jette sous les branches des sapins les plus basses et à la fois les plus lourdes, qui touchent presque le sol, et rampe derrière un tronc formidable, forteresse de bois et de racines dans lesquelles il arrive à se lover. Il passe délicatement la main contre le bois, comme une ultime caresse, et plaque sa paume contre un flot de résine odorante à la couleur de miel. Il la lève lentement et la pose sur sa bouche et sa langue. Son masque ne tressaille même pas.
Mais le haut-le-cœur ainsi provoqué lui rend subitement conscience et lui permet de saliver. Il n'ose pas regarder sa blessure.
Il se touche le flanc gauche et sait exactement où se trouve la plaie ; celle-ci ne saigne pas trop. Une balle l’a traversé de part en part. Il sourit en pensant à son camarade espagnol. Il penche la tête de côté et voit une vingtaine de rats noirs arriver prudemment, le dos courbé, le béret branlant pendant que le camion, de la route, déverse une pluie de balles sur le mur de branches.
Durant un instant de silence, il lève les yeux vers le ciel, au nord, pour apercevoir le ciel pour deviner le temps qu'il va faire demain, comme sa grand-mère le lui avait appris, quand il était petit. Il remarque, après cet effort, qu'il n’a plus mal. Il se met alors à pleurer, sur lui-même, sur ses parents et ses proches. Il fait le deuil de sa liberté, dont il a si peu profitée. Non pas à cause de la douleur. Elle est omniprésente et la souffrance paraît toujours avoir meurtrie son corps et son âme. Il pose sa tête sur un oreiller de mousse humide, pour atténuer les à-coups de la fièvre.
Il s'assoupit quelques instants qui lui paraissent une éternité. Il a le sentiment qu'il a toujours appartenu à cet arbre qui le protège et ses jambes ensanglantées sont devenues des racines enfouies sous l'amas de végétaux, avant d'être transformés en terre, avec la fin du dégel.
Il tend, droit devant lui, ses bras devenus des branches terminées non pas par des feuilles, mais par ses deux pistolets. Son visage crispé par la douleur ressemble au corps noueux du tronc, et la sueur qui coule sur la boue de son visage trace des veines naturelles. Sa bouche grande ouverte est un trou béant d’où ne sort aucun son.
Il prend soudain une poignée de terre et la jette dans la bouche, pour arrêter les cris d'angoisse et de peur qui montent lentement en lui. Il voudrait disparaître sous terre, arrêter le cours des choses et recommencer tout, recommencer tout à zéro, depuis le début, pas seulement depuis la guerre, mais toute sa vie. Il aurait voulu disparaître, vivre en parallèle, être l'observateur consciencieux de ses propres actes, à coté des autres, sans eux, sans parler et ne plus jamais fournir de justification.
Il se souvient du jour quand il a levé lentement ses deux mains agrippées à la crosse d'un revolver. Comme dans un rêve, il a maintenant tourné l'arme contre lui-même, le canon traçant dans l'espace un demi-cercle sur la droite. Il a vu le canon noir et huileux suivre cette courbe. Il pense qu'il devrait faire un effort pour changer l'arme de position afin de saisir la détente. Il se voit manier ses doigts, son pouce gauche s'emparant de la détente. Le canon se dirige vers sa bouche et heurte ses dents du bas. Il serre doucement, pour ne pas se blesser, la mâchoire sur le canon. Il soulève un peu l'arme et la fait pénétrer jusqu'au fond du palais. C'est à ce moment qu'il ressentit le goût amer du sang et de l'acier, la seconde balle. Sa langue caresse le métal à la saveur de poudre, de terre et de rouille.
Il danse. Dans sa tête. Des pensées sans importance. Sans plus aucune importance. Il se dit qu'il aurait aimé être poète.
à la mémoire de mes deux grands-pères, Angelo et Cyrille,
fusillés par la Milice.